J’ai une forte tendance à m’auto-psychanalyser dès que je prends conscience d’un de mes blocages, d’un truc inconfortable en moi.
Ça a une nouvelle fois été le cas après une discussion avec une amie sur la question de la culture, des références dont on a l’impression que tout le monde les a et pas nous.
Sur le coup, j’ai tenu un beau discours sur le fait qu’on s’en foutait, sur le fait, même, que ne pas avoir les références que tout le monde a peut être notre force, puisque cela nous donne un regard différent sur les choses.
Mais quelques jours plus tard, j’écoutais le podcast La Page Blanche, et j’ai pris conscience que je me crispais un peu à chaque fois que les autrices évoquaient avec passion telle ou telle œuvre littéraire considérée comme ‘classique’ et que je n’avais jamais lue.
En prêtant attention à cette petite crispation, j’ai compris que dans ma tête, mes beaux discours sur les complexes autour de la culture valaient pour tout le monde… sauf moi (mais c’est souvent le cas, non ?)
Je viens d’une famille d’artistes. J’ai grandi dans un environnement où la culture était omniprésente. Alors, ma petite voix négative, toujours OP quand il s’agit de me confirmer que je suis nulle, s’en donne à cœur joie pour me faire éprouver un fort sentiment de honte vis-à-vis de mon manque de culture générale dès que l’occasion se présente.
Je suis incollable en comédies romantiques post 00’s (celles des années 80/90 ont au moins acquis une patine vintage un peu cool) et en rnb explicit lyrics, mais ce genre de choses ne va impressionner personne.
Par contre, j’ai finalement lu très peu de romans considérés comme des classiques et je fuis dès qu’il y a marqué ‘drame’ dans la description d’un film sur Netflix, autant dire que je ne risque pas de briller en société avec ma culture cinématographique.
En histoire de l’art ou de la musique, je connais quelques noms ici ou là sans plus.
Ma culture est une dentelle pleine de lacunes.
L’ironie, c’est que les gens qui étalent leur culture et s’en servent, l’air de rien, comme un outil de domination, me débectent. Et qu’au fond, la majorité de ces classiques m’ont l’air au mieux chiants, au pire carrément problématiques.
Parce qu’en réalité la culture dite ‘classique’ a toujours été démesurément occupée par des hommes blancs riches et que je me fous complètement de la majorité de leurs pensées, de leur avis sur les choses et que la différence entre ce qui est classique et ce qui tombe dans l’oubli n’est pas, comme on voudrait nous le faire croire, qu’une question de qualités intrinsèques. Il y a des tas de mécanismes à l'œuvre.
Mais ça n’empêche pas les complexes, car les complexes n’ont rien de rationnel.
Le truc c’est que cette année, j’ai accepté un boulot, et il s’est très vite avéré que je n’avais pas les compétences requises en terme de culture générale pour bien faire ce travail.
On peut parler de syndrome de l’impostrice, on peut penser à ce mantra de ‘qu’est ce qu’un mec blanc médiocre ferait à ma place ?’ pour faire taire son sentiment d’être illégitime.
Mais le fait est que, selon mes critères à moi, ma culture n’était pas à la hauteur, je n’avais pas les compétences pour ce boulot que je venais d’accepter et je ne pouvais pas faire l’autruche sur le sujet.
Plusieurs solutions s’offraient alors à moi :
La fuite. Tout annuler, me défiler.
M’en foutre, bricoler avec ce que j’avais et tant pis pour tout le monde si mon bricolage n’était pas dingo.
Me mettre à niveau.
Je ne crois pas que l’univers veille sur nous ou nous envoie des signes. Par contre je pense que quand on croise une opportunité liée à quelque chose d’important pour nous (et qu’on a à peu près l’énergie et la disponibilité pour), il faut la saisir.
Avoir dit oui, tout en considérant que je n’avais pas (encore) les compétences pour le travail en question, c’était une chance à saisir pour acquérir plus de culture. Mais une culture choisie, réfléchie. Découvrir plein de choses, mais des choses qui m’intéressent.
Combler ma dentelle de lacunes, mais pas pour épater la galerie. Pour moi. D’abord et avant tout pour moi-même. Et pour faire ce boulot oui, mais à ma façon.
Dans un monde idéal, on saurait s’aimer tel.le que l’on est. Dans la réalité des faits, notre petite voix négative regorge toujours d’inventivité pour venir nous susurrer ses méchancetés à l’oreille. Mais on peut décider de bien lui faire fermer sa gueule.
Alors je lis, j’écoute des podcasts, je regarde des documentaires. Je saisis chaque ‘ah tiens ça ça m’intéresse’ et je ne le remets plus à plus tard (car les gens qui ne se sentent pas légitimes aiment beaucoup remettre à plus tard). Je pars dans tous les sens.
L’équilibre n’est pas simple à trouver, pour ne pas complètement se perdre à force de s’éparpiller.
Mais dans ma newsletter précédente, je vous parlais de la joie, du bonheur qu’il y avait à faire un travail de recherche d’abord et surtout pour soi.
Apprendre, découvrir, réfléchir, créer des ponts, élargir mon horizon. J’adore ça, c’est vraiment un des trucs qui me procure le plus de joie. Alors je remercie la moi du passé d’avoir dit oui quand elle voulait hurler non, et la moi du passé un peu plus proche de ne pas avoir fui, d’avoir plutôt choisi de se retrousser les manches.
Je ne crois pas qu’il faille penser comme un vieux mec blanc riche et médiocre qui se sent super légitime pour tout. Je crois que c’est un déguisement à enfiler juste le temps de dire oui quand nos doutes voudraient dire non.
Ensuite on se met au boulot.
…………..
Côté pro :
Ça y est, j’ai fini toutes les histoires du tome 2 de Louison ! \o/
Stéphanie Rubini est en train de les dessiner et je peux vous dire qu’on s’amuse peut-être encore plus que sur le premier tome.
Maintenant que Louison et Noham sont partis s’amuser sur les planches de Stéphanie, je vais de mon côté pouvoir me ré-atteler à toutes mes autres histoires qui attendent patiemment depuis trop longtemps déjà. Sans compter de jolies opportunités surprises douces comme des bonbons. A suivre au prochain épisode donc !
Des p’tites recos :
Côté podcast, j’ai commencé à écouter La nymphe et la sorcière suite à une recommandation de Crochetons-nous dans les bois (dont je vous recommande le compte insta, si vous aimez la littérature jeunesse et surtout si vous êtes prof de français ou instit, je suis très impressionnée par toutes les ressources et réflexions qu’elle propose). Chaque épisode nous amène à la rencontre de figures féminines de l’Antiquité. C’est passionnant et j’aime énormément le fait que le podcast ne se limite pas à l’Antiquité connue de tous (grecque, romaine, égyptienne) mais nous emmène aussi à la découverte d’autres cultures qui ont moins de visibilité (par exemple cet épisode sur les reines de l’antiquité soudanaise m’a passionnée).
Côté newsletters : pour mettre du doux dans vos boîtes mail, je vous recommande les newsletters des illustratrices Cécile Metzger aka Coucou Illustration et Rebecca Green (lien pour la newsletter tout en bas de la page, mais je vous recommande aussi son blog). Je prends énormément de plaisir à les lire, ce sont comme des petites bulles cosy.
Côté lecture : J’ai récemment beaucoup aimé l’essai Le regard Fémin d’Iris Brey qui analyse le female gaze au cinéma, en opposition au male gaze. On n’est pas ici dans une opposition réalisateur versus réalisatrice mais plutôt dans une analyse de comment des réalisateurices font de leurs personnages féminins des sujets agissant, ressentant, désirant et pas de simples objets que l’on regarde et désire.
Si comme moi vous n’êtes pas cinéphile, il faudra accepter de se faire spoiler tous les films évoqués puisqu’Iris Brey en analyse les scènes clés (dont souvent la fin) mais c’est une lecture vraiment enrichissante, autant en tant que spectateurice que de raconteureuse d’histoires car ses analyses peuvent inspirer d’autres formes de narration visuelle (bd, photo, illustration…) également.
Et enfin, une double petite reco gourmandise pour l’hiver : Barú fait des préparations pour chocolat chaud et pour chai délicieusement décadentes (j’ai testé plein de préparations pour chocolat chaud et ce sont vraiment mes pref). Je suis notamment accro à leur chai vanille (alors que je n’aime même pas tant que ça la vanille), qui a un goût de câlin (il est souvent en rupture mais revient vite en stock).
A côté du chocolat, un de mes plus grands plaisirs dans la vie est la marmelade (ajoutez des marrons glacés et vous avez là ma sainte trinité des plaisirs gustatifs), les marmelades et confitures de Lemon Story, productrice d’agrumes rares, sont de pures merveilles (elle a une boutique à Paris pour acheter ses agrumes frais également
).
Merci, un plaisir de te lire pour commencer la semaine !
Pour la culture je te comprends, dans ma famille de profs on baigne dans la culture légitime, et pourtant, depuis le lycée j'ai progressivement arrêté de lire les classiques, de les regarder, et pendant assez longtemps d'aller au musée. Sûrement une forme de dégoût vis-à-vis de l'hégémonie des hommes blancs... et une sorte de flemme aussi il faut le dire. Je suis passée par un institut d'études politiques, c'est-à-dire le royaume de la "culture générale" et je peux te dire que le principe de la culture générale c'est d'avoir des points de repère sans avoir besoin de tout lire ou voir. En gros, beaucoup de personnes vont dire "ah oui x livre bien sûr" mais ce qu'elles veulent dire par là, ce n'est pas qu'elles l'ont lu et apprécié, c'est qu'elles savent le situer, ont une idée de l'intrigue et pourquoi l’œuvre est considérée comme importante. Souvent on complexe parce qu'on se dit que toutes les personnes qui évoquent ces œuvres doivent forcément les connaître, mais c'est fréquemment plutôt une question de rapport à cette culture que de quantité de livres classiques vraiment lus.